La maîtrise émotionnelle est l’un des plus gros défis de nous les leaders du 21è siècle. Comment réussir à prendre de la hauteur face à n’importe quelle situation et toujours savoir garder la tête sur les épaules et ne jamais perdre le contrôle. Développer une excellente capacité de maîtrise émotionnelle n’est certainement pas l’exercice le plus FACILE au monde.
Mais FACILE est une denrée très rare sur la terre des vivants. Et des leaders qui savent faire preuve de maitrise émotionnelle constituent eux aussi une denrée rare. Or, la meilleure façon de mesurer l’efficacité d’un leader, c’est de mesurer à quel point il sait faire preuve de maitrise émotionnelle. Il faut gagner ses batailles intérieures, savoir se contenir pour conserver sa crédibilité en tant que leader. Les techniques suivantes sont celles que j’utilise plus et que la plupart des clients qui suivent nos programmes de coaching utilisent pour développer la maîtrise émotionnelle. Je les partage avec vous ici.
1- La préférence pour le « se sentir bien dans sa peau »
Le but de la vie, c’est d’être heureux, se sentir bien dans sa peau et avoir le sentir d’être utile à quelque chose (au monde). Peu de gens disent avoir un autre but que celui-là. Le défi, c’est que lorsque nous sommes sous pression, nous perdons effectivement le contrôle du besoin de donner prééminence à cet objectif.
Une personne qui tient à se sentir bien dans sa peau trouvera toujours les moyens de garder le contrôle de ses émotions. Elle a besoin de faire preuve d’intelligence pratique pour opérer le choix préférentiel lui permettant de se sentir bien dans sa peau.
Par exemple, nous pensons en général que le fait de se mettre en colère et de la déverser sur une personne, va nous soulager. Le défi, c’est que lorsque nous sommes en colère, nous la maintenons en nous et la laissons nous brûler plusieurs jours, plusieurs heures avant d’avoir l’opportunité de la déverser sur des gens. La mauvaise nouvelle était que nous n’arrivons pas toujours à tout déverser. Pendant ce temps nous nous faisons tellement du mal et nous rongeons. Notre tension monte et les brûlures énergétiques s’accélèrent dans notre corps. Nous sommes ruinés et totalement extenués le soir quand nous rentrons chez nous. etc.
Je ne pense pas que nous prenons du plaisir à vivre ces douloureux instants. Les maladies que cela nous cause sont terribles : le cancer, la tension artérielle, les AVC, la perte de mémoire, l’irritabilité….
Pardonnez-moi, mais il n’y a que les gens qui prennent du plaisir à se faire du mal eux-mêmes qui se causent ces choses. Dernièrement, j’ai remarqué que j’ai des irritations et des picotements dès que je commence à critiquer et à aller en cabale contre quelqu’un. Cela me ronge tellement que je préfère maintenant être compatissant parce que je tiens vraiment à me sentir bien dans ma vie, être heureux et avoir le sentiment d’être utile aux autres plutôt que de me ronger et me causer de la maladie inutilement.
2- La compassion et l’empathie
Voici une bonne nouvelle au sujet de la possibilité de développer la maitrise de soi et se faire du bien à soi-même :
Lorsque nous apprécions, encourageons, remercierons, valorisons, sommes compatissantes et donnons de la considération aux autres nous nous sentons bien. Par contre lorsque nous accusons, critiquons, dévalorisons, punissons, bafouons les autres nous nous sentons très mal dans notre peau.
Alors que faire pour se sentir bien dans sa peau et renforcer sa maitrise émotionnelle ? Apprécier, remercier, encourager, considérer, être compatissant, valoriser. Est-ce qu’il faut le faire même lorsque les autres foutent la merde ? Oui, c’est facile à faire lorsqu’on tient à se sentir bien dans sa peau et développer la maîtrise émotionnelle car C’est agréable d’être agréable avec les autres et c’est désagréable d’être désagréable avec les autres.
3- La concentration sur les opportunités et les résultats intéressants
La dernière fois que j’animais un atelier sur le leadership et la maîtrise émotionnelle, quelqu’un me disait qu’il y a des choses que lui ne supporte pas. Je lui ai demandé ce qu’il ne supporte pas. Il me répondit :
« Je ne supporte pas que le travail soit mal fait. Je ne supporte pas qu’on vienne en retard. Je ne supporte pas qu’on me manque de respect. Je ne supporte pas qu’on soit hypocrite ».
Je repris la parole pour lui demander s’il s’énerve souvent. Il me dit « OUI ».
Alors, j’ai enchainé pour lui dire que c’est parce qu’il se concentre souvent sur ce qui ne va pas, ce qui est inadmissible, intolérable, insupportable, injuste, impossible, incroyable qu’il a souvent mal. L’émotion est une réponse. La réponse de la part de ce à quoi nous prêtons attention. Si bien que lorsque vous prêtez attention à ce qui ne va pas, vous avez mal. Et si vous prêtez attention à ce qui va, vous vous sentez bien.
Est-ce que cela veut dire qu’il faut négliger ce qui ne va pas ? Si vous pouvez vous occuper de ce qui ne va pas, sans perdre votre maitrise émotionnelle, occupez-vous en. Si vous voulez renforcer votre maitrise émotionnelle, prêtez attention aux opportunités et aux résultats intéressants. Si vous faites attention à ce que vous aimez et appréciez, vous allez conserver votre maitrise émotionnelle. Si vous faites attention à ce que vous détestez et trouvez inacceptable, vous perdez la maîtrise émotionnelle.
4- Le refus de tomber dans la victimisation et la disculpation des mises en cause
Nous disposons d’un esprit analytique dont le rôle essentiel est de faire le tour de l’environnement extérieur pour voir ce qui est intolérable, inadmissible, inacceptable, insupportable, injuste, manipulateur, troublant…etc…Et attire notre attention dessus. C’est son travail et il le fait constamment. Le défi, c’est que lorsque nous prêtons attention à ce qui est intolérable, inadmissible, inacceptable, insupportable, injuste, manipulateur, troublant…Nous perdons le contrôle de nos émotions. C’est pour cela que les gens qui pensent qu’ils connaissent leurs droits, prérogatives, privilèges sont souvent très frustrés et perdent le contrôle de leurs émotions, font du bruit face à ce qui est intolérable, inadmissible, inacceptable, insupportable, injuste, manipulateur, troublant.
Est-ce que cela veut dire qu’il faut ignorer ses droits ? Non pas du tout. Tout dépend de celui contre qui vous voulez les exercer. Si vous voulez les exercer contre le monde extérieur (le système, les autres…), vous devenez une victime ambulante, vous êtes vulnérable, frustré et irritable tout le temps.
Beaucoup de gens tombent dans le piège de la victimisation face à tout ce qui est intolérable, inadmissible, inacceptable, insupportable, injuste, manipulateur, troublant et PERDENT LE CONTROLE de leurs émotions alors que le simple fait de dire : « Ce n’est pas grave. Ce n’est pas de leurs fautes » fait tomber automatiquement leur tension. La question est de savoir si vous voulez faire tomber votre tension ou la faire monter. Si vous voulez la faire tomber, dites : « Ce n’est pas grave. Ce n’est pas de leurs fautes ». Ce n’est jamais bête de se faire du bien à soi-même.
5- L’habitude d’assumer ses responsabilités
Lorsqu’un collaborateur est en défaillance et que vous vous dites : « Je ne suis pas sûr qu’il ait compris ce que je lui ai expliqué. Il y a certainement quelque chose que je ne lui ai pas bien expliqué. Je pense qu’on va reprendre le processus », votre tension va baisser automatiquement. La question est de savoir si vous voulez faire baisser votre tension (faire preuve de maitrise émotionnelle) ou perdre le contrôle de vos émotions.
6- Si vous voulez garder votre maitrise émotionnelle, assumez.
Un exemple : Lorsqu’une personne plaide coupable au tribunal est plus serein que la personne qui plaide coupable. Lorsque nous commettons une erreur en tant que leader, nous contenons nos émotions que lorsque c’est un collaborateur ou un partenaire qui commet exactement la même erreur. Curieusement lorsque nous commençons par nous dire « Mais mon assistant aurait dû attirer mon attention… », c’est-à-dire que lorsque nous nous mettons à chercher le problème dehors, nous perdons à nouveau le contrôle de nos émotions.
Comment garder le contrôle de ses émotions ? Assumer ! Une personne responsable est toujours plus ZEN et SEREINE qu’une personne qui ne veut pas assumer ses responsabilités. C’est cela le paradoxe de la maitrise émotionnelle. Il suffit que vous ayez souvent l’habitude d’assumer et vous développez une grande maitrise émotionnelle. Mais il suffit que vous voyiez toujours le problème dehors, vous devenez la personne la plus irritable et la plus belliqueuse que vous connaissez.
7- La récupération de la source d’activation de ses émotions
Lorsque vous vous concentrez sur les qualités d’une personne, vous avez tendance à l’aimer et à être patient avec elle. Par contre lorsque vous vous concentrez sur les défauts d’une autre personne, vous détestez facilement la personne et êtes très impatient avec elle. Ce qui veut dire que le problème n’est ni ses qualités ni ses défauts. Le problème, c’est ce sur quoi vous vous concentrez. Rappelez-vous que l’émotion est une réponse. Une réponse de la part de ceux sur quoi nous nous concentrons.
Pour développer la maitrise émotionnelle, il faut que nous puissions décider clairement de ne pas donner aux situations et aux autres le pouvoir du contrôle de la source de nos émotions. En quoi faisant ? En choisissant ce sur quoi nous allons nous concentrer.
La dernière fois je travaillais avec une dame qui voulait divorcer. Mon rôle n’est pas de lui dire si c’est bon de divorcer ou pas. Par contre, elle appréhendait la rencontre de son époux au tribunal. « Je serai trop énervée quand je vais voir sa tête ». Pour ironiser, je lui dis : « Waouh, je ne savais pas qu’il avait un pouvoir aussi déstabilisant sur vous. Comment avez-vous pu lui donner autant le contrôle de vos émotions ? Mince. On dirait même qu’il vous manipule ». Elle me dit : « Je vais récupérer le pilotage de la tour de contrôle de mes émotions ».
Voyez-vous ? Certaines personnes savent ce qui nous irrite et nous énerve et sont capables de les alterner pour nous énerver. Pourquoi ils y arrivent ? Parce que nous sommes manipulables et n’avons pas décidé de ne pas laisser les évènements et les attitudes des autres contrôler nos émotions. Qu’est-ce que les autres font lorsqu’ils savent qu’ils peuvent contrôler nos émotions à travers leurs attitudes ? Ils nous mènent en bateau. Et beaucoup de leaders se font mener en bateau par leurs équipes parce qu’ils agissent en fonction des circonstances (et de leurs variations) au lieu de récupérer le pilotage de la tour de contrôle de leurs émotions.
8- L’utilisation de description et de mots positifs
L’autre arme fatale que moi j’utilise personnellement pour renforcer et assurer ma maîtrise émotionnelle, c’est l’ironie.
Imaginons par exemple qu’un collaborateur déconne vraiment et que je tombe des nues, je lui dirai : « Non mais franchement, tu es magnifique. C’est formidable tout ça. C’est vraiment formidable. Merci. Je suis tout heureux. Tu es adorable. Comment penses-tu qu’on peut régler cette affaire ? ».
Lorsque je dis cela je me sens vraiment bien et ZEN. Et rapidement, nous commençons à trouver les voies et moyens pour régler l’affaire. Je sais que certaines personnes préfèreraient dire : « C(est inadmissible. Ce n’est pas possible. C’est du n’importe quoi ça ? » et ils deviennent très irritables et perdent le contrôle de leur journée si leur tension ne monte pas drastiquement. Est-ce que ce n’est pas mieux d’être stratégique dans le pilotage de ses journées et la gestion de ses émotions et se demander ce qui nous fait plus du bien ?
Moi je préfère rendre grâce devant des catastrophes, conserver ma maitrise émotionnelle, avoir ma tête sur mes épaules, et chercher calmement la solution. Alors je dis : « Tout est grâce ».
9- La préférence pour le résultat
Comment les grands leaders font pour conserver le pilotage de la tour de contrôle de leurs émotions ? En préférant systématiquement la réalisation des résultats qu’ils désirent.
Justement lorsqu’il s’agit des résultats, nous tombons souvent dans le piège de préférer « LE RESPECT » au « RESULTAT ». Certains leaders sont plus préoccupés par le respect qu’on leur voue et le résultat qu’on produit pour eux. Prenons un exemple très simple.
Imaginons qu’un client qui a constaté des prélèvements non autorisés sur son compte bancaire débarque dans sa banque et se met à traiter le gestionnaire de son compte de tous les mots et maux. Deux cas sont envisageables :
Si le gestionnaire de compte se concentre sur ce que le client fâché lui dit personnellement, il va avoir mal et ne pourra pas contrôler ses émotions… Bienvenu le CLASH
Si le gestionnaire de compte se demande : « Comment je fais pour que ce monsieur en se levant ait le sourire aux lèvres, est rassuré et satisfait et surtout ait une bonne image de ma banque ? », il va maîtriser ses émotions, mieux il va faire tout ce qu’il faut pour aboutir au résultat désiré avec le client.
Vous voyez ? Ceux qui privilégient le résultat et se concentrent à l’atteindre gardent constamment le contrôle du pilotage de la tour de contrôle de leurs émotions. Si vous êtes le type de leader qui privilégie constamment la voie du résultat et non ce qu’on vous fait subir personnellement.
La préférence pour le leadership
Au début de cet article, je disais que FACILE une denrée très rare sur la terre des vivants et que des leaders qui savent faire preuve de maitrise émotionnelle constituent eux-aussi une denrée rare de nos jours. Ce qui veut dire que si vous avez la préférence pour le leader, vous aurez à faire les efforts décrits plus haut. Encore une fois, la meilleure façon de mesurer l’efficacité d’un leader, c’est de mesurer à quel point il sait faire preuve de maitrise émotionnelle.
Dans « Sous l’orage » de Seydou Badian, le Père Benfa disait qu’ un « chef qui crie est un chef qui tremble ». Et nos enfants le savent très bien maintenant qu’ils ont la possibilité de nous appeler à la raison. Il n’est pas rare aujourd’hui qu’un enfant de 6 ou 8 ans sur lequel vous criez vous demander : « Mais maman/papa, qu’est-ce qui t’arrive ? Pourquoi tu cries sur moi comme cela ? ». Les enfants savent très bien que lorsque « nous sortons de nos gongs », nous sommes bien en train de perdre le contrôle et que c’est une situation catastrophique. Si nous savons nous en rendre compte nous-mêmes, il va de soi que nous allons rapidement privilégier l’exigence pour nous les leaders de faire de la maitrise émotionnelle le chantier numéro 1 du marquage de nos zones d’excellence en tant que leader.
En Afrique, par exemple, et de façon universelle d’ailleurs, on mesure la force d’un leader de part sa capacité de réserve. Par exemple, si vous allez voir l’homme le plus sage de votre village et que vous lui annoncez une nouvelle, qu’elle soit bonne ou mauvaise, il réagit toujours de la même manière : « C’est bien. Tu as bien fait de venir me parler. Je t’ai bien écouté. Je vais te rappeler et on en parle ». Quelques heures ou jours après, il vous rappelle. En général, il ne vous dit rien de ce que vous avez imaginé. Il vous surprendra toujours.
Le leader ne peut pas se permettre de réagir et d’agir comme le commun des mortels sinon il ne fait rien d’extraordinaire. C’est lorsqu’il sait gagner la bataille intérieure entre « le besoin de réagir ou d’agir comme le commun des mortels » et « le besoin de prendre du recul et d’interpréter les situations autrement pour prendre l’ascendance sur les évènements et leurs conséquences immédiates » qu’il fait la différence et se montre leader. C’est un défi constamment pour nous les leaders et nous ne pouvons pas nous permettre de le négliger car il y a va de notre crédibilité en tant que leader et mieux de notre capacité continue à être heureux, nous sentir bien dans notre peau et avoir le sentiment d’être utile à quelque chose.